A notre époque où la question de la place de la femme dans la société est omniprésente, il semble important de revenir sur celle qu’occupait la première dame du royaume dans la monarchie française. Qu’était la Reine de France dans le royaume ?
Tout d’abord, qui est reine ?
En France, seule l’épouse du roi est reine. Ainsi, la mère de François Ier, bien que plusieurs fois régente ne fut jamais reine.
L’absence de sources juridiques écrites est la première difficulté à laquelle l’on est confronté lors de l’étude du rôle de la reine dans la monarchie française. Sur le plan constitutionnel, i.e. sur le plan des institutions et du fonctionnement du royaume, la France a longtemps été sur le modèle du droit coutumier issus comme son nom l’indique de la coutume et des usages en vigueurs. Cela ne signifie pas que la France n’a pas de constitution, mais que celle-ci est non écrite. Les compétences et les fonctions de chacun des acteurs institutionnels du royaume ne peut donc s’appréhender qu’à travers l’étude de la vie de chacun desdits acteurs. Et cette étude montre que la première force du royaume de France est sa souplesse. La monarchie française est en constante évolution afin de s’adapter au mieux à son époque et à ses acteurs. Ainsi, la monarchie de Clovis n’a rien à voir avec celle d’Hugues Capet. A une plus courte échelle, il est possible de constater des différences notables entre le fonctionnement du royaume sous le règne de Louis XIII le Juste et sous le règne de son fils. Il est d’ailleurs possible de noter une évolution de l’organisation du royaume lors des 72 ans de règne du Grand Roi ou même lors du règne de Louis XVI avec le rappel des parlements et l’abrogation de la réforme Maupeou. De la même façon, de nombreux facteurs viennent influer sur le rôle de la reine au sein des institutions : la personnalité du roi, celle de la reine et celle de la Cour. Certaines reines seront effacées tandis que d’autres rempliront un rôle de premier plan.
La spécificité française
Il est impossible de parler du rôle de la reine dans le royaume de France sans évoquer la spécificité française. Contrairement à la plupart des états européens, les femmes ne peuvent ni hériter, ni transmettre la couronne française. Il est essentiel de comprendre qu’il s’agit d’un choix politique ayant des conséquences juridiques, mais absolument pas d’un choix idéologique, ni d’un choix imposé par une règle de droit contraignante. Cette construction date des crises successorales du début du XIVème siècle et se fit en deux étapes successives. Lorsque Louis X meurt en 1316, n’ayant qu’une fille de quatre ans comme héritière, son frère, Philippe V pris le pouvoir. Rappelons que le droit est coutumier et que celui-ci est issu de l’usage. Or, c’est la première fois qu’un roi meurt sans enfant mâle. Jusqu’ici, deux pratiques étaient constatées qui étaient toujours conjointe jusqu’alors : d’une part c’est toujours un mâle de la famille royale qui héritait du trône, d’autre part c’est toujours un héritier descendant direct qui héritait. Dans ce cas, les deux règles s’opposaient puisque l’héritier descendant direct était la fille de Louis X, et l’héritier mâle de la famille royale était son frère. La princesse Jeanne étant jeune et le royaume nécessitant une poigne ferme, la couronne fut confiée à Philippe et la coutume évolua dans le sens de la masculinité du pouvoir. Philippe V décède en 1322 ayant trois filles. Deux prétendants se disputent le trône : Edouard III roi d’Angleterre, neveu de Philippe V par sa sœur et Philippe de Valois, cousin de Philippe V par son père, Charles de Valois oncle de Philippe V par son père. Edouard est donc plus proche de Philippe mais prétend par sa mère, Philippe est plus éloigné mais prétend par son père et son grand-père. Afin d’éviter l’union des couronnes d’Angleterre et de France, il fut décidé que les femmes ne transmettaient pas les droits à la couronne. Ces règles sont donc choisies, non contre les femmes, mais plutôt pour privilégier les mâles dans l’intérêt du royaume. Par exemple Mahaut d’Artois est pair du royaume lors du sacre de Philippe V. Il fut même demandé à la princesse Jeanne de signer une renonciation à ses droits sur la couronne, ce qui témoigne du fait que chacun est conscient de ses droits potentiels au trône. C’est important de le relever pour exclure l’argument selon lequel le moyen-âge cherche à exclure les femmes du pouvoir, alors qu’il s’agit d’assurer la transmission par les mâles. L’argument selon lequel les femmes ne seraient naturellement pas adapté au pouvoir ne fut jamais avancé.
Cette exclusion de la couronne permis au final de conforter la position de la reine-mère dans la cadre de la régence puisqu’elle ne peut conserver le pouvoir. Les ordonnances de 1374 et de 1407 précisent cela. La première sépare l’exercice du pouvoir de l’éducation du roi mineur et fait cesser la régence aux 14 ans du roi. La seconde rappelle l’instantanéité de la transmission, et donc que l’exercice du pouvoir et l’éducation du roi mineur sont indissociable.
Autre spécificité française, on sacre et couronne la reine et il est arrivé de dire qu’elle est sacrée « à moindre que lui », lui faisant référence au roi. Les sacres ne sont pas comparables, mais la reine n’est pas simple princesse consort. Cette cérémonie se fait à la Basilique St Denis, et non à Reims comme le roi. Pour les regalia, elle reçoit la même main de justice et le même anneau que le roi, un sceptre plus petit et ne reçoit pas la main de commandement. Seuls des barons l’accompagnent et non les douze pairs comme au sacre du roi. Elle communie également aux deux espèces.
Last modified: 24 janvier 2023